« Le gros chêne »

Le « gros chêne » de Saint-Gilles-Vieux-Marché par Yannick Morhan

Article initialement paru dans « la lettre de l’arboriculture » n°105 et publié le 25 avril 2022 par Yannick Morhan
afin d’illustrer l’évolution et la résilience des arbres.

 

Durant la Révolution française et dans le second élan en 1792,
de nombreux arbres de la liberté  furent plantés au cœur des villes et villages,
comme symbole de joie, d’affranchissement et de fraternité.
Des milliers d’arbres plantés à cette période, bien peu subsistent aujourd’hui,
souvent abattus pour des raisons d’ordre politique ou encore victimes
des réaménagements urbains.

 

Le chêne peint en 1892 par Etienne Bouillé
(tableau propriété de la famille de Saint Pierre)

 

Le chêne avant 1894, année du début de la construction de la nouvelle église.
(photo : Famille de Saint Pierre)

 

Le chêne dans son état actuel (circonférence : 3,20 m)

 

Si, comme souvent, aucun document n’atteste de l’origine du « gros chêne » de Saint-Gilles-Vieux-Marché, la tradition populaire fait remonter sa plantation à la période révolutionnaire. Sa situation, au cœur du village et la photo antérieure à 1894, accréditent cette hypothèse.
Sur cette vue ancienne, nul doute que ce chêne puisse être centenaire malgré ses modestes dimensions. Celles-ci sont à mettre en corrélation avec des conditions de croissance défavorables, le sol était soumis à un piétinement régulier.
D’autre part, son tronc sinueux et sa cime constituée majoritairement d’axes semblant plus jeunes et de même génération, laisse supposer qu’il a subi un émondage n’ayant épargné que deux branches en guise de « tires-sève » au sommet du tronc (en haut à droite sur la vue ancienne). S’il a réagi à cette « taille », l’observation des différents axes indique une vigueur moyenne.
Une carte postale du début du 20e siècle nous montre un houppier légèrement aplati, lié à une légère descente de cime dont les deux  « tires-sève » semblent avoir été victime.

 

Le chêne vers 1900 avec la cime aplatie

Le chêne vers 1920 avec
une légère descente de cime

Le chêne vers 1958 avec
un dépérissement prononcé

 Sources : Le chêne vers 1900 : CPA Collection Guy Bernard – Le chêne vers 1958 : Delcampe

 

Ce n’est qu’à la fin des années 50, qu’un nouveau stress semble accentuer son dépérissement.
Il abandonnera ses axes sommitaux et le tiers supérieur de son tronc.
Son envergure se verra réduite et son houppier perdra son harmonie.
Son état était très préoccupant.
Néanmoins, ce chêne fera à nouveau preuve d’une belle capacité de résilience,
en reformant son houppier actuel principalement depuis ses branches les plus basses.
La construction d’un muret en périphérie et l’apport de terre a son pied,
même si elle ne faisait pas l’unanimité, semble finalement lui avoir été bénéfique.

Néanmoins un récent réaménagement du centre bourg a entraîné le remplacement du vieil enrobé par un béton désactivé.
Bien qu’aucune racine n’ait été endommagée, l’épaisseur et l’étanchéité de ce matériau semble perturber le vieux ligneux qui s’est éclairci de façon significative.
Des suppléants, mais à faibles allongements, se développent en partie basse.

Gageons que leur présence présagent d’un bel avenir…

 

Pour les curieux : https://lestetardsarboricoles.fr